“Entre mes premiers symptômes et ce diagnostic, il s’est écoulé plus de 20 ans. Une vie entière passée à culpabiliser.”
Alison, 36 ans
Lipoedème de Grade 1
Ton parcours jusqu’au diagnostic
Depuis l’adolescence, j’ai toujours eu des bleus sans raison apparente, et mes jambes ont été une source de complexe dès mon plus jeune âge. Je ne comprenais pas pourquoi, malgré tous mes efforts, elles restaient épaisses, douloureuses et marquées. Très tôt, j’ai consulté un médecin généraliste pour ces bleus, qui m’avait simplement parlé d’un déficit en globules blancs, sans aller plus loin. On m’a aussi souvent répété que c’était simplement ma morphologie et qu’il fallait faire avec.
Ce n’est que bien plus tard, en cherchant à faire une liposuccion pour des raisons esthétiques tant je ne supportais plus l’apparence de mes jambes, que je suis tombée par hasard sur le mot "lipoedème" en naviguant sur Internet. Ce fut un déclic. J’ai commencé à me renseig ner, à comparer mes symptômes et à m’interroger sérieusement. En mars 2025, j’ai finalement pris rendez-vous avec une angiologue. C’est elle qui a confirmé ce que je soupçonnais : j’étais atteinte d’un lipoedème de stade 1, localisé aux mollets avec un début sur le haut des jambes.
Entre mes premiers symptômes et ce diagnostic, il s’est écoulé plus de vingt ans. Une vie entière passée à culpabiliser, à enchaîner les régimes sans jamais voir de résultat sur mes jambes, à me sentir impuissante et différente. Le plus dur, c’était ce sentiment d’injustice, cette impression que rien ne pouvait changer. Je ne pouvais pas porter de bottes, suivre les tendances mode, ou simplement me sentir bien dans mon corps. Ma grossesse a été particulièrement douloureuse : mes jambes ont quadruplé de volume. Un vrai cauchemar.
Le diagnostic a été un soulagement. Mettre enfin un mot sur ce que je vivais m’a permis de reprendre le contrôle. Depuis, j’ai complètement revu mon hygiène de vie : j’ai arrêté de fumer, je ne mange presque plus de gluten, je fais des brossages à sec quotidiens, je prends du curcuma, et j’ai perdu plus de 9 kg. Pour la première fois, je vois une différence et surtout, j’ai accepté la situation. Je sais maintenant que ce n’est pas de ma faute, que je n’ai rien "mal fait". Ce n’est pas une question de volonté ou de régime. C’est une maladie. Et aujourd’hui, je vis avec, en conscience.
Les traitements et l’accompagnement médical
J’ai toujours porté des bas de contention. Au départ, c’était surtout pour prendre l’avion, et ensuite, l’hiver, je portais en permanence des collants de contention parce que j’avais mal aux jambes. C’est quelque chose qui fait partie de mon quotidien depuis très longtemps, bien avant même que je ne mette un mot sur ce que j’avais.
Depuis que je sais que je suis atteinte de lipoedème, j’ai mis en place plusieurs étapes du traitement conservateur : j’ai commencé les drainages lymphatiques, que je fais maintenant une fois par semaine, et j’ai aussi changé mon alimentation pour adopter une approche anti-inflammatoire. Il ne me manque plus qu’à reprendre une activité physique adaptée : pendant longtemps, j’ai fait de l’aquabike, ce qui me convenait très bien.
Tous ces traitements ont eu un effet très positif sur moi : sur mon moral, mon énergie et ma forme physique en général. J’ai senti une vraie amélioration et j’ai “dégonflé”, ça a été flagrant. En revanche, ce n’est pas simple tous les jours d’accéder aux bons soins. J’ai beaucoup de mal à obtenir des rendez-vous chez mon kinésithérapeute : je dois m’y prendre plus de deux mois à l’avance. Et pour les collants de compression, ce n’est pas évident non plus, c’est compliqué à trouver, à adapter… Ce genre de petites batailles logistiques, c’est épuisant.
Heureusement, au fil du temps, j’ai fini par ne consulter que des professionnels vraiment sensibilisés au lipoedème. C’est un choix que j’ai fait consciemment, parce que je ne veux plus perdre de temps avec des personnes qui ne comprennent pas la maladie. Mais je ne vais pas mentir : ils ont été très durs à trouver.
Côté chirurgie, j’ai longtemps hésité. J’avais même pris deux rendez-vous avec des chirurgiens spécialisés, que j’ai finalement annulés. Ce n’est pas que je n’y pense pas – au contraire. L’idée d’une opération fait son chemin, mais je me pose encore beaucoup de questions. Est-ce le bon moment ? Quel impact sur une éventuelle deuxième grossesse ? Est-ce que mon hygiène de vie est suffisamment stable pour envisager cette étape ? Et cette peur : celle que le lipoedème se déplace ailleurs. Pour l’instant, je prends le temps. J’apprends à vivre avec, à m’informer et à avancer à mon rythme.
Vivre le lipoedème au quotidien
Le lipoedème fait partie de ma vie depuis longtemps, même si je ne l’ai su que récemment. Physiquement, les effets les plus importants apparaissent quand il fait chaud : mes jambes et mes pieds deviennent encore plus douloureux que d’habitude. Je suis aussi constamment fatiguée, sans raison apparente. Heureusement, je n’ai pas de problème de mobilité au quotidien – sauf pendant ma grossesse, où la douleur et le gonflement étaient tels que je ne pouvais quasiment plus marcher.
Au quotidien, l’impact esthétique du lipoedème a toujours été extrêmement lourd. J’ai souvent pleuré en me regardant dans le miroir. Mes jambes, mes genoux… je ne les supporte pas. Je suis extrêmement complexée. Il m’est difficile de me mettre en jupe ou en short, de me tenir à côté de mes amies sans chercher à cacher mes jambes. J’ai longtemps ressenti de la honte et de l’isolement. J’avais l’impression que quelque chose clochait chez moi, sans pouvoir mettre de mots dessus.
Depuis que le diagnostic a été posé, les choses ont changé. J’ai compris que ce n’était pas un manque de volonté ou une erreur de ma part. La charge mentale, énorme auparavant à force d’enchaîner les régimes et le sport sans résultats, s’est allégée. Aujourd’hui, j’ai mis en place des routines qui m’aident : je fais des drainages lymphatiques chaque semaine, je pratique le brossage à sec tous les jours, je prends du curcuma en complément. Ce sont des petits gestes, mais qui m’apportent un réel équilibre.
Sur le plan social, il y a aussi eu un vrai basculement après le diagnostic. Avant, je n’avais aucun intérêt pour les groupes ou les discussions “communautaires”. Désormais, je suis très engagée, je me suis inscrite à plusieurs groupes de soutien en ligne, et c’est devenu une vraie passion : comprendre, partager et sensibiliser. C’est un besoin vital d’en parler, presque une mission.
Du côté de mon entourage, il y a aussi eu une prise de conscience. Ma mère a réalisé que ce que je vivais n’était pas une simple question de morphologie, et en regardant d’anciennes photos, on s’est rendues compte que mon arrière-grand-mère avait probablement un lipoedème très avancé. Cette transmission invisible a résonné en moi. Aujourd’hui, j’en parle beaucoup, et ça sensibilise les gens. Dès qu’on parle du corps, j’évoque la maladie, et à chaque fois, je découvre que d’autres femmes sont concernées et qu’elles ne le savent souvent pas encore.
Quant au corps médical, je ne consulte désormais que des professionnels formés au lipoedème. Cela fait toute la différence. Je me sens écoutée, comprise, et enfin légitime dans ce que je ressens. Ce n’est pas “dans ma tête”, c’est réel, et je fais en sorte de mieux vivre avec chaque jour.
L’impact psychologique et émotionnel
Pendant des années, le lipoedème a profondément abîmé l’image que j’avais de moi. Je ne m’acceptais pas. Je faisais tout pour cacher mes jambes : jamais de jupes, jamais de bottes, jamais les vêtements que j’aurais aimé porter. Je me suis souvent sentie à part, en décalage, honteuse. Il m’est même arrivé de sortir d’un magasin de chaussures en pleurs parce que j’étais incapable de rentrer mes mollets dans une paire de bottes. C’est difficile à expliquer à quelqu’un qui ne le vit pas, mais c’est une souffrance sourde et permanente.
Psychologiquement, j’ai eu des périodes où c’était très lourd. Je faisais énormément de sport, des régimes à répétition, toujours dans l’espoir de “corriger” quelque chose qui ne bougeait pas. À force, on s’épuise. Je me suis longtemps sentie découragée, et parfois désespérée, sans comprendre ce qui n’allait pas. Ce n’est qu’après le diagnostic que j’ai commencé à aller mieux. Mettre un nom sur ce que je vivais m’a permis d’en sortir. Je ne suis plus fataliste, car je sais aujourd’hui que ce n’est pas une question de volonté ou de discipline. C’est une maladie, et il existe des moyens de la freiner, de mieux vivre avec.
Depuis, mon estime de moi a changé, je m’accepte davantage. Savoir que tant d’autres femmes sont concernées me rassure et m’encourage. J’ai trouvé du soutien auprès de patientes, et les médecins spécialisés que je consulte aujourd’hui m’apportent aussi un vrai accompagnement psychologique. Je me sens moins seule.
Certains événements ont cependant laissé une trace indélébile. Ma grossesse, en particulier, a été un moment très dur : mes jambes ont quadruplé de volume et j’ai pris plus de 30 kilos de rétention d’eau. J’étais méconnaissable, épuisée et perdue. Paradoxalement, c’est un autre événement marquant – plus anodin en apparence – qui m’a mise sur la voie du diagnostic : le jour où mes chaussettes ont commencé à laisser de profondes marques sur mes jambes. Ça ne m’était jamais arrivé, et j’ai compris que quelque chose n’allait vraiment pas.
Aujourd’hui, ce qui m’aide à avancer, ce sont les effets concrets de mes efforts. En adoptant une alimentation anti-inflammatoire et en mettant en place des soins réguliers, je vois mon corps réagir. Ça me redonne espoir. Et surtout, ça m’aide à reprendre confiance. Le savoir, le partage, la communauté de femmes qui vivent la même chose : tout cela m’aide à garder le cap car je ne suis plus seule.
Recherches d’informations et groupes de patientes
Quand j’ai commencé à m’interroger sur le lipoedème, je n’avais aucune information. C’était le vide total. Alors j’ai cherché partout : sur les sites médicaux, les réseaux sociaux et les forums. J’ai absorbé tout ce que je pouvais. Aujourd’hui encore, je continue à me documenter dès que je le peux. C’est cette quête d’informations qui m’a permis de mieux comprendre la maladie, et surtout d’agir concrètement. En testant les drainages lymphatiques et en adoptant une alimentation anti-inflammatoire, j’ai vu mon corps réagir : j’ai dégonflé, et mes douleurs se sont nettement atténuées. Ces petits changements ont eu un grand impact.
Très vite, j’ai rejoint des groupes Facebook dédiés et mon compte est d’ailleurs devenu presque exclusivement tourné vers ça désormais. Ces communautés ont été un tournant dans mon parcours. J’y ai trouvé des conseils précieux, des mises en garde, et surtout une vraie solidarité. J’ai, par exemple, évité une grosse erreur en découvrant qu’un chirurgien que j’allais consulter avait gravement blessé une patiente, faute de réelle connaissance médicale du lipoedème. C’est là que j’ai compris à quel point il est crucial de faire la différence entre une opération esthétique et une intervention médicale adaptée.
Les échanges avec d’autres femmes concernées m’ont énormément apporté. Ils m’ont permis de mieux me comprendre, de relativiser, de comparer mon parcours sans me juger. Grâce à ces partages, je me sens moins seule. Et surtout, je culpabilise beaucoup moins.
À toutes celles qui se posent des questions sur leur corps sans savoir ce qu’elles ont, je dirais : informez-vous et ne restez pas seules. Parfois, le simple fait de tomber sur un mot ou un témoignage peut tout changer. Pour moi, ça a été le point de départ d’un vrai soulagement. Aujourd’hui, je reprends confiance, je fais ce qu’il faut pour ralentir l’évolution de la maladie, et je me sens actrice de mon propre parcours. La communauté a été un pilier. Elle peut l’être pour vous aussi.
Et maintenant…
Je me projette plus sereinement car même si je sais que le lipoedème ne disparaîtra pas, j’ai les clés pour mieux vivre avec. J’avance à mon rythme, en écoutant mon corps, en ajustant mon hygiène de vie sans tomber dans l’excès. Je sais que chaque petit effort compte – et qu’ils finissent par porter leurs fruits.
Ce que j’aimerais dire à toutes celles qui se reconnaissent, même un peu, dans mon histoire, c’est : ne restez pas dans le doute. Faites-vous diagnostiquer. N’attendez pas que la maladie avance en silence. Plus tôt vous le saurez, plus vite vous pourrez adapter votre quotidien et reprendre le contrôle.
Et surtout, déculpabilisez. Ce que vous vivez n’est pas de votre faute. Ce n’est pas un manque de volonté, ni une question d’efforts insuffisants. C’est une maladie, et on peut apprendre à vivre avec, à la ralentir et à retrouver confiance en soi.
Aujourd’hui, je ne me sens plus impuissante. Je me sens actrice de mon parcours.